Dans un arrêt du 13 mai 2024 publié au recueil Lebon (req. n°466541), le Conseil d’Etat, suivant les conclusions de monsieur Jean-François de Montgolfier, rapporteur public, a jugé que « Sauf dispositions législatives ou règlementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heure ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de La Poste faisant foi ».
Le Conseil d’Etat a ainsi abandonné une jurisprudence plus que centenaire selon laquelle c’est la date de réception du recours (et non pas sa date d’envoi) qui est prise en compte pour apprécier si le recours a été adressé dans le délai de recours contentieux, principe qui était tempéré par un autre principe selon lequel une requête, bien que reçue tardivement, est néanmoins recevable si elle a été postée en temps utile pour parvenir à temps selon les délais normaux d’acheminement du courrier (CE 20 février 1970 req. n°77021 publié au recueil Lebon).
Selon les conclusions du rapporteur public, l’abandon du principe purement prétorien de la date de réception, répond, notamment, à un objectif de simplification et de bonne compréhension du droit dans la mesure où il ne trouvait plus à s’appliquer que dans le contentieux administratif.
En effet, le principe de la date de réception a été abandonné en matière civile dès 1983 (Cass. Civ. 2ème 5 octobre 1983 PICHLER et BINGLER), puis, en matière administrative (sauf en matière de procédure contentieuse administrative) dès l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000.
L’article 16 de la loi du 12 avril 2000 (codifié à l’article L112-1 du code des relations entre le public et l’administration) dispose en effet que « toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande… peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d’un envoi de correspondances… ».
Ce principe de la date d’envoi, figurant à l’article 16 de la loi du 12 avril 2000, avait été jugé par le Conseil d’Etat comme ne s’appliquant qu’en matière administrative (et donc, notamment, aux recours administratifs préalables obligatoires) mais pas en matière de contentieux administratif et ne régissant pas, en conséquence, les conditions de délai pour déposer un recours administratif conservant le délai de recours contentieux ou pour déposer une requête devant la juridiction administrative (CE 21 mars 2003 req. n°240511 ; CE 26 octobre 2001 req. n°233290).
Dans la mesure où c’est désormais la règle de la date de l’expédition du recours qui s’applique en matière de recevabilité des recours contentieux, on peut raisonnablement en déduire, bien que ce point ne soit pas spécifiquement abordé dans l’arrêt du Conseil d’Etat, que le même principe s’appliquera aux recours administratifs (gracieux ou hiérarchiques) qui ont pour effet de conserver le délai de recours contentieux.
En matière de recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, reste en suspens la question de savoir si la notification de l’article R600-1 du code de l’urbanisme (qui est accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception et doit intervenir dans un délai de 15 jours francs « à compter du dépôt du déféré ou du recours » doit intervenir dans les 15 jours francs à compter de l’envoi du recours ou à compter de sa réception.
Par ailleurs, cette règle va conduire à décaler légèrement la date à laquelle il sera utile de demander un certificat de non-recours (que ce soit à l’autorité compétente ou au tribunal), pour tenir compte du délai d’acheminement postal.