LE CONTENTIEUX DU REFUS DE PERMIS DE CONSTRUIRE : LES DISPOSITIFS LIMITANT LES EFFeTS DES REFUS ABUSIFS

Le souci de parer aux refus abusifs d’un permis de construire – et plus généralement d’une autorisation d’urbanisme – est ancien.

C’est la loi n°94-112 du 9 février 1994 qui, à la suite du rapport du Conseil d’Etat de 1992 intitulée « l’urbanisme : pour un droit plus efficace », a prévu qu’en cas d’annulation d’un refus d’autorisation d’urbanisme la demande d’autorisation ne puisse pas faire l’objet d’un nouveau refus, sur le fondement de règles d’urbanisme postérieures à la décision de refus annulée.

Ceci afin d’éviter que le maire après avoir refusé un permis pour un motif non fondé ne profite d’une évolution du document d’urbanisme pour refuser à nouveau le permis de construire, après l’annulation du premier refus.

Cette disposition figure actuellement à l’article L600-2 CU.

Vingt ans plus tard, le rapport de monsieur Jean-Pierre DUPORT, préfet de région, du 3 avril 2015, concernant notamment l’accélération des projets de construction, a également constaté l’existence de refus abusifs de permis et a proposé diverses solutions dont s’est inspirée la loi du 6 août 2015.

Le dispositif de lutte contre les refus abusifs, institué par la loi du 6 août 2015, figure à l’article L424-3 CU.

Le Conseil d’Etat, dans son avis du 25 mai 2018 puis son arrêt du 13 novembre 2023, a donné à ces dispositifs leur plein efficacité.

Enfin, le décret du 24 juin 2022 a étendu le bénéfice de la suspension du délai d’appel aux refus d’autorisation d’urbanisme (nouvel article R811-1-1 CJA).

  1. L’article L600-2 du code de l’urbanisme

L’article L600-2 du code de l’urbanisme issu de la loi du 9 février 1994 interdit que soit opposé un nouveau refus (ou un sursis à statuer ou des prescriptions spéciales) fondé sur des dispositions d’urbanisme postérieures au premier refus annulé par le juge administratif.

Ce dispositif est subordonné aux deux conditions suivantes :

  • que la demande d’autorisation d’urbanisme soit confirmée par le pétitionnaire dans les 6 mois suivant la notification de la décision d’annulation du refus par le juge administratif,
  • et que cette décision d’annulation soit devenue définitive.

Si cette première condition ne pose guère de difficulté, tel n’est pas le cas de la seconde qui est assez rarement remplie.

Cette seconde condition d’application de l’article L600-2 du code de l’urbanisme, tenant au caractère définitif de la décision d’annulation du refus de permis de construire, a toutefois été considérablement assouplie par le Conseil d’Etat, facilitant la délivrance du PC, sitôt après l’annulation de  la décision de refus.

Ainsi, dans un arrêt du 13 novembre 2023 publié au recueil Lebon (req. n°466407 commune de SAINT-DIDIER au Mont-d’or), le Conseil d’Etat :

  • a écarté la seconde condition de l’article L600-2 CU en jugeant que le pétitionnaire d’une demande d’autorisation d’urbanisme qui s’est vu opposer une décision de refus et a confirmé sa demande dans le délai de 6 mois pouvait bénéficier du mécanisme de l’article L600-2 CU, même en cas d’appel ou de pourvoi contre la décision du juge d’annuler le refus de délivrance de l’autorisation d’urbanisme,
  •  et qu’en conséquence, l’autorité administrative compétente ne pouvait pas rejeter la demande d’autorisation d’urbanisme sur le fondement de règles d’urbanisme postérieures à la décision de refus annulée.

Le Conseil d’Etat a, toutefois, précisé que le pétitionnaire ne pouvait bénéficier de façon définitive de ce mécanisme que si l’annulation juridictionnelle de la décision de refus était elle-même devenue définitive et qu’en conséquence, si sa décision du juge administratif était annulée ou faisait l’objet d’un sursis à exécution, l’autorité administrative qui avait délivré l’autorisation d’urbanisme, pouvait retirer cette autorisation (dans le délai de trois mois à compter de la notification de cette nouvelle décision juridictionnelle), le cas échéant pour des motifs tirés de la violation des nouvelles règles d’urbanisme.

Dans ce même arrêt, le Conseil d’Etat a également rappelé les termes de son avis du 25 mai 2018 (préfet des Yvelines et autres n°417350), qui écartait déjà  la seconde condition de l’article L600-2 CU lorsque le juge administratif, saisi d’une demande d’injonction de délivrance de l’autorisation d’urbanisme, y faisait droit.

  1. L’article L424-3 du 2ème alinéa du code de l’urbanisme

L’article 108 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 a inséré à l’article L424-3 du code de l’urbanisme une disposition selon laquelle la motivation d’une décision de refus d’autorisation d’urbanisme doit indiquer « l’intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d’opposition, notamment l’ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnés à l’article L421-6 ».

Dans son avis du 25 mai 2018 (n°417350 préfet des Yvelines) précité, publié au recueil Lebon, le Conseil d’Etat a interprété de façon constructive ces dispositions, en permettant que le juge administratif, après avoir annexé la décision de refus, prononce une injonction de délivrance de l’autorisation d’urbanisme illégalement refusé, au lieu d’une simple injonction de statuer à nouveau.

Il a, en effet, indiqué que :

  • dès lors que ces dispositions avaient, selon les travaux parlementaires, pour objet de permettre d’accélérer la mise en œuvre de projets conformes aux règles d’urbanisme applicables en faisant obstacle, en cas d’annulation d’un refus d’autorisation d’urbanisme, à ce que l’autorité compétente prenne une nouvelle décision de refus sur le fondement des règles d’urbanisme déjà en vigueur à la date de la décision de refus annulée,
  • ces dispositions devaient être interprétées comme imposant au juge administratif, saisi de conclusions à fin d’injonction, ayant censuré l’ensemble des motifs de refus énoncés dans la décision ou en cours d’instance, d’enjoindre à l’autorité administratif de délivrer l’autorisation d’urbanisme sollicitée (sauf si un changement des circonstances de fait y faisait obstacle et sauf s’il résultait de l’instruction que les règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision annulée y faisaient obstacle).
  1. L’article R811-1-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret du 24 juin 2022 n°2022-929

La suppression du degré d’appel, prévue par l’article R811-1-1 du code de justice administrative, dans les zones dites tendues au regard du besoin de logements ne concernait initialement que les recours en annulation d’autorisations d’urbanisme.

Elle concerne désormais, également, les recours contre les décisions de refus d’autorisations d’urbanisme (et plus précisément de refus du permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements ; de refus de permis d’aménager ou d’opposition à déclaration préalable autorisant un lotissement).

Annie Tirard
Annie Tirard