L’erreur manifeste d’appréciation du zonage d’un PLU est rarement admise, encore plus rarement lorsque cette erreur manifeste d’appréciation consiste à avoir classé un terrain en zone AU, où les constructions sont subordonnées à la modification ou à la révision du PLU, alors que la cour considère ce terrain comme étant suffisamment desservi.
C’est ce qu’a fait la cour administrative d’appel de DOUAI dans un arrêt du 29 août 2024 (n°23DA01796).
L’article R151-20 du code de l’urbanisme dispose ce qui suit :
« Les zones à urbaniser sont dites » zones AU « . Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l’urbanisation.
Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone et que des orientations d’aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d’aménagement et d’équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement.
Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU n’ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone, son ouverture à l’urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d’urbanisme comportant notamment les orientations d’aménagement et de programmation de la zone ».
La métropole européenne de LILLE (MEL), compétente pour l’élaboration du PLUi, avait classé un terrain de 8 hectares en zone AUDm, définie comme une zone ne bénéficiant pas d’une capacité suffisante des réseaux pour desservir les constructions à implanter et où l’ouverture à l’urbanisation était subordonnée à la modification ou à la révision du plan local d’urbanisme.
La cour relève d’une part que le terrain est situé dans « l’enveloppe urbaine », et d’autre part, que les réseaux d’électricité, de gaz, d’eau potable, d’assainissement eaux usées et pluviales et de télécommunication existent sur l’ensemble des voies desservant les parcelles et que la MEL n’apporte aucun élément pour établir que ces réseaux existants ne seraient pas suffisants pour desservir les constructions à implanter alors qu’ils desservent déjà des immeubles d’habitation et des institutions publiques (dont une caserne de pompiers).
La cour conclut donc que le classement en zone AUDm est entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
Si cette décision mérite d’être remarquée, c’est qu’il est assez rare que le juge administratif qualifie l’erreur de zonage d’erreur manifeste d’appréciation, ce qui est nécessaire pour conclure à l’illégalité du PLU.
D’ailleurs, la cour administrative d’appel de DOUAI était saisie d’autres recours contre le PLUi de la métropole européenne de LILLE et, statuant le même jour, les autres recours ont tous été rejetés.
Cela est d’autant plus remarquable que le terrain en question était un vaste terrain de 8 hectares, susceptible d’accueillir des constructions importantes et dont on pouvait subodorer qu’elles rendraient nécessaire le renforcement de certains réseaux ; mais la personne publique semble avoir fait un effort modéré dans l’administration de la preuve du caractère insuffisant des réseaux pour desservir les constructions à implanter, et la cour en a tiré toutes les conséquences.
L’arrêt est également intéressant en ce qu’il statue non pas sur une demande d’annulation du PLUi, mais sur une demande d’annulation du rejet d’une demande d’abrogation.
Le régime de la demande d’abrogation se distingue du recours en annulation sur de nombreux points :
- Notamment, la demande d’abrogation est appréciée à la date à laquelle le juge statue et non, comme pour l’annulation, à la date à laquelle la décision a été prise.
- Par ailleurs, aucun vice de forme ou de procédure ne peut être invoqué (CE 18 mai 2018, CFDT FINANCES, n°414583, publié au recueil Lebon et, pour une application en matière de PLU, CE 24 mars 2021, n°428462, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Malgré cette contrainte, la demande d’abrogation présente l’avantage par rapport à la demande d’annulation qu’elle peut être formée plus de deux mois après la publication de la décision d’approbation.