L’affichage du permis de construire est une étape importante dans une opération de promotion immobilière, parfois négligée.
Le caractère « définitif » d’un permis de construire, sésame tant convoité, dépend de la qualité de cet affichage.
En effet, l’article R.600-2 du code de l’urbanisme dispose que le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R.421-15.
Par ailleurs, l’article A.424-18 du même code dispose que le panneau d’affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu’il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier.
Lorsqu’un terrain comporte plusieurs accès, comme cela était le cas dans l’espèce jugée par la cour administrative d’appel de PARIS le 15 mai 2025 (n°23PA02162 et 23PA02163), cet affichage peut recéler des pièges.
Certes, la cour administrative d’appel de PARIS rappelle qu’aucune disposition du code de l’urbanisme n’impose de procéder à l’affichage du permis de construire à chacun des accès du terrain :
« 6. D’autre part, les dispositions précitées du code de l’urbanisme n’imposent pas au bénéficiaire d’un permis de construire de procéder à un affichage à proximité de chacun des accès de ce terrain depuis la voie publique, ni d’indiquer, le cas échéant, les adresses de ces derniers ou de préciser la configuration du terrain d’assiette du projet autrement que par la mention de sa superficie ».
Ce principe est loin d’être nouveau.
Le Conseil d’Etat en avait jugé ainsi dans un arrêt du 23 février 2004 (n°262430, mentionné aux tables du recueil Lebon) :
« Considérant que les dispositions précitées du code de l’urbanisme n’imposent pas au bénéficiaire d’un permis de construire de procéder à l’affichage de ce permis sur chacune des parcelles cadastrales composant le terrain d’assiette du projet, ni de procéder à un affichage à proximité de chacun des accès de ce terrain depuis la voie publique ».
Ce principe a été régulièrement réaffirmé par les juges du fond (voir notamment CAA VERSAILLES 15 décembre 2016, n°16VE00184 ; CAA LYON 28 juin 2022, n°21LY03022 ; CAA BORDEAUX 2 novembre 2017, n°15BX02293, etc…).
Le jugement du tribunal administratif de MONTREUIL, dont était saisie la cour administrative d’appel de PARIS le 15 mai 2025, était ambigu sur ce point :
« Il ressort des pièces du dossier que si le permis de construire litigieux a été affiché pendant une période continue à compter du 8 octobre 2020, cet affichage, qui a été réalisé avenue Gabriel Péri, mentionnait, au titre de l’adresse du terrain, cette seule entrée et indiquait, au titre de la nature des travaux, « surélévation été extension d’un immeuble de bureau et création de deux commerces », pour une hauteur de la construction de 27,73 m, correspondant à la hauteur de l’immeuble donnant sur l’avenue Gabriel Péri.
Par suite, en l’absence de toute référence dans l’affichage aux travaux devant intervenir sur l’immeuble situé au fond de la parcelle, rue Garibaldi, (…) ».
La cour administrative d’appel de PARIS a le mérite de réaffirmer le principe que l’affichage en un seul lieu du terrain et en mentionnant une seule adresse (cette mention de l’adresse n’étant d’ailleurs pas obligatoire) n’est pas critiquable :
« 8. D’une part, comme il a été dit au point 5, aucune des dispositions citées au point 4 n’impose de mentionner précisément sur le panneau d’affichage la configuration du terrain d’assiette d’un projet ni ses différents accès depuis la voie publique ».
Néanmoins, usant de tous les trésors de langue française pour exprimer les nuances du doute, les magistrats de la cour ont considéré que la mention de la « nature des travaux », qui est une des mentions obligatoires de l’affichage, avait fait naître une confusion et empêché le délai de recours des tiers de courir :
« 9. D’autre part, la mention de la » surélévation et de l’extension d’un immeuble » si elle est strictement conforme à la réalité juridique du projet autorisé, alors même qu’elle vise en réalité à caractériser des travaux à mener sur deux bâtiments situés sur la même parcelle et une extension dans le patio, est néanmoins susceptible d’induire en erreur le lecteur, compte tenu de la possible confusion entre les termes » immeuble » et » bâtiments » dans le langage courant. Ainsi, et alors même que l’indication de la hauteur maximale de la plus haute surélévation prévue et de la surface de plancher à créer, ainsi que de la superficie du terrain, pouvaient en principe permettre à toute personne normalement attentive lisant le panneau d’affichage de saisir immédiatement la consistance des travaux en cause ainsi que l’unicité de la parcelle concernée et, ensuite, de s’enquérir auprès des services municipaux de la teneur exacte du projet, la confusion susceptible de naître relativement à l’usage, maladroit en l’espèce, du terme immeuble ne peut que conduire à regarder comme partiellement erronées les mentions du panneau d’affichage décrivant le projet ».
Voici donc un affichage qui pouvait « en principe permettre à toute personne normalement attentive lisant le panneau d’affichage de saisir immédiatement la consistance des travaux en cause ainsi que l’unicité de la parcelle concernée », mais qui est néanmoins jugé irrégulier.
Il convient de préciser que, dans cette espèce, la nature des travaux indiquée sur le panneau d’affichage reproduisait celle indiquée sur l’arrêté de permis de construire.
On peut se demander si cet arrêt est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat énoncé dans l’arrêt du 16 octobre 2019 (n°419756, mentionné aux tables du recueil Lebon), selon lequel une erreur affectant l’une des mentions du panneau d’affichage ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours « que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d’apprécier l’importance et la consistance du projet ».
En attendant un nouvel éclaircissement du Conseil d’Etat, ce cas d’espèce montre l’attention que le maître d’ouvrage doit porter aux mentions de l’affichage du permis de construire, non seulement en ce qui concerne la hauteur, dont on sait qu’elle est essentielle, mais également en ce qui concerne la nature des travaux, mention dont on pensait que les juges acceptaient qu’elle reste générale, ne serait-ce que du fait de la contrainte matérielle du panneau d’affichage.
A la suite de cet arrêt, il apparaît imprudent, pour la mention de la nature des travaux, de se rapporter à l’arrêté de permis de construire. Plus généralement, cet arrêt rappelle qu’il est imprudent de laisser le soin de concevoir l’affichage à une seule personne, fût-il l’architecte qui connait bien le projet mais moins les arcanes du code de l’urbanisme.